Il semble ainsi que je sois condamné à être, définitivement,
à distance de moi-même, " loin de moi " dira Clément
Rosset. Qui suis-je ? Un ou multiple ? Car, enfin,
les qualités que je m'attribue ne valent que pour un moment
donné du temps. Je dis volontiers qu'il s'agit toujours de
" moi ", mais ne devrais-je pas plutôt corriger, à la suite
de Kant, en disant :" ce que j'appelle
moi " ?
Ce que je nomme identité
personnelle, n'est-ce pas, en définitive, une simple
fiction ? Quant aux jugements des autres, ils ne constituent
pas davantage des " preuves " de ce que je suis réellement
. N'y a-t-il pas toujours un écart par rapport à ce que nous
croyons savoir de l'autre ?
Ce qui tend donc à s'imposer
comme un des traits dominants de ma condition d'homme c'est
d'avoir à subir non seulement la séparation physique
mais également une séparation intérieure.
Le mal est-il donc sans remède ? Devrais-je apprendre à faire
mon deuil du fol espoir de voir abolies, un jour, ces séparations
? Comment seulement oser penser qu'il puisse être encore en
mon pouvoir de m'affranchir d'une telle malédiction ?
La séparation écrasée.
Pourtant, il semble
possible de comprimer la séparation, de la rendre moins pesante,
plus supportable. C'est en mettant au point son microscope
rudimentaire que le naturaliste hollandais Van Leeuwenhoek
permit la découverte des bactéries. A l'instar de Galilée
et de sa lunette, dans l'infiniment grand, il ouvrit ainsi,
mais dans l'infiniment petit , une nouvelle voie : réduire
la distance qui nous sépare des choses.
La
technique apparaîtrait ainsi comme le moyen de se délivrer
des contraintes imposées par l'espace. Depuis des techniques
de communication très sophistiquées sont apparues. Elles ont
renforcé le sentiment que la volonté et la raison
de l'homme pouvaient faire fondre les distances.
L'invention de la machine
à vapeur comme celle de la télé-vidéo ou bien encore de l'Internet
relève d'une même intention : faciliter la communication
entre les hommes en écrasant le plus possible les distances
qui les séparent. Les dernières mutations technologiques
sont ainsi parvenues à mettre le monde en réseau.
Tout porterait donc
à croire que les nouvelles technologies de l'information et
de la communication ont réussi cette performance de lever
définitivement la malédiction.
Riposte de la liberté de l'homme face aux
défis lancés par l'espace et le temps.
Courrier électronique comme
portable me permettent de " joindre " l'autre à tous moments
et immédiatement.
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